Statue d’Antonin Le Pieux

SQUARE ANTONIN

Statue d’Antonin le Pieux au square Antonin (©photo Madeleine Giacomoni)

Un peu d’histoire

Le 13 février 1862, le conseil municipal de Nîmes, Fortuné Paradan étant son maire, vote la réalisation d’une sculpture de l’empereur Antonin le Pieux. La statue est inaugurée douze ans après, le 8 octobre 1874 sous l’administration d’Adolphe Blanchard, son maire, dans le square qui porte son nom, le square Antonin, au nord-ouest de l’Écusson nîmois (le centre-ville historique de la ville), à la jonction du boulevard Alphonse-Daudet, du quai de la Fontaine, du square de la Bouquerie, de la rue de l’Agau et de la rue Auguste. Le square Antonin a été aménagé à l’emplacement de l’ancien bassin terminal du canal de la Fontaine. Ce dernier avait été créé un siècle plus tôt par Jacques-Philippe Mareschal, en même temps que les jardins qui portent le même nom, Jardins de la Fontaine. L’architecte Henri Révoil transforme le lieu en square clôturé par des grilles en fer forgé du serrurier nîmois, Marius Nicolas. La sculpture, réalisée en marbre de Carrare, est l’œuvre du sculpteur Auguste Bosc.

Pourquoi une statue d’Antonin le Pieux à Nîmes ?

Créée il y a plus de 2 000 ans autour d’une source divinisée que l’on appellera plus tard Nemausus (située dans les actuels jardins de la Fontaine), Nîmes fut l’une des plus importantes colonies du monde romain. Traversée par la Via Domitia, route qui reliait Rome à l’Espagne, elle était située à un carrefour commercial et culturel de toute première importance. C’est au cours du Ier siècle av. J.-C. que commence la romanisation de Nîmes. Elle devient colonie de droit latin et se couvre de remarquables monuments qui sont encore, aujourd’hui, la fierté de la ville. C’est l’empereur Auguste et ses successeurs qui vont agrandir la ville, la doter d’une enceinte longue de 6 km englobant 220 ha. La ville frappe monnaie. Au début du IIème siècle de notre ère, Nîmes est à son apogée ; 25000 habitants environ l’habitent.

Qui est Antonin le Pieux ?

Antonin le Pieux est né le 19 septembre 86 à Lanuvium dans le Latium et meurt, sans doute du paludisme, le 7 mars 161 à Lorium en Étrurie, à 19 km de Rome. Il régna de 138 à 161, le règne le plus long depuis l’empereur Auguste. Par son père, Titus Aurelius Fulvus, consul en 89, et son grand-père, Titus Aurelius Fulvus, consul en 85, il est originaire de la colonie de Nemausus, la Nîmes antique. Il fait partie des souverains connus sous le nom des « cinq bons empereurs ».

Antonin doit son surnom de «Pieux» au Sénat. Il semble que sa dévotion et le respect envers son père, le Sénat, les lois et les dieux en aient été la raison. Comme Auguste avant lui, il fut honoré d’un bouclier proclamant sa « pietas erga deos patriamque » traduit par : « piété envers les dieux et la patrie ». Il a été divinisé par le Sénat au lendemain de sa mort.

Son règne ne fut pas marqué par des conquêtes, mais par une volonté de consolidation de l’empire. C’est aussi pour cela que les Nîmois ont un sentiment de reconnaissance pour cet empereur.

La statue d’Antonin le Pieux : une influence de la Rome antique

La Rome antique a représenté à différentes reprises l’empereur Antonin soit en buste, soit de plein pied. Au musée Chiaramonti de Rome qui fait partie des musées du Vatican, il est possible de voir une statue de cet empereur.

Statue d'Antoninus Pius (vers 150) Musée Chiaramonti Rome (©Wikipédia). Statue d’Antonin le Pieux (©photo Madeleine Giacomoni)

La statue du square Antonin répond aux critères stylistiques de la statuaire antique, mais il serait inexact de résumer d’une manière trop globale cette stylistique.

Héritage de la statuaire étrusque et grecque, la statuaire romaine recouvre une durée très longue, du IIIe siècle av. J.C. aux débuts de l’Empire byzantin. Les premiers matériaux sont la terre cuite et le bronze puis le travertin (tuf calcaire). À partir du  IIe siècle av. J.-C., les artistes commencent à utiliser des pierres venues de Grèce, marbres du Pentélique, marbres de Paros. Le marbre de Carrare va être utilisé à partir de l’époque de Jules César.

L’iconographie de la statue impériale romaine, notre exemple, comprend cinq types principaux : la figure équestre, l’homme vêtu d’une tunique et d’un manteau, l’homme en toge, l’homme cuirassé et la statue idéalisée.

Debout, la jambe droite avance pour provoquer un déhanchement et donc un mouvement, le buste a les mêmes proportions que les jambes, la tête est contenue sept fois dans le corps, l’avant-bras droit est tendu en avant (adiocutio). L’empereur porte une tunique courte, une cuirasse et le paludamentum (manteau pourpre). Il a la tête nue. Son visage veut se rapprocher des statues qui le représentent à l’époque de la Rome antique. Le bras droit salue dans un geste codifié. Il regarde au loin, au-dessus de sa main qui domine, dans l’attitude de l’imperator qui harangue ses soldats au lendemain d’une victoire. Ainsi le sculpteur Auguste Bosc a repris au XIXe siècle, la codification du modèle antique. Si la statuaire était polychromée sous l’Antiquité, elle ne l’est plus au XIXe siècle !

Le sculpteur a rajouté un étai en forme de tronc d’arbre  pour consolider la statue afin que le marbre ne se brise pas sous son propre poids. C’était un artifice fréquent. L’empereur repose le poids de son bras gauche qui tient le sceptre, symbole du pouvoir.
Sur son piédestal ou socle, plus haut dans ses proportions que la statue elle-même, nous pouvons lire quatre inscriptions.

Les inscriptions sur le socle ou piédestal

Côté est, il est écrit : SENATVS POPVLVSQVE NEMAVSENSIS, signifiant « le Sénat et le peuple nîmois ».
Côté ouest, on peut lire la dédicace suivante, reprenant partiellement la titulature de l’empereur : IMP•CAES•T•AELIO•HADRIANO•ANTONINO•AVG•PIO, P•P, NEM•ORIVNDO, soit IMPERATOR•CAESAR•TITVS•ÆLIVS•HADRIANVS•ANTONINVS•AUGVSTVS•PIVS, PONTIFEX•MAXIMVS, NEMAVSVS•ORIVNDO.

Les différentes inscriptions sur le socle (©photos Madeleine Giacomoni)

Sous cette dédicace, sont gravés quatre vers du poète nîmois Jean Reboul :

« Le Nîmois est à demi romain :
Sa ville fut aussi la ville aux sept collines ;
Un beau soleil y luit sur de grandes ruines,
Et l’un de ses enfants se nommait Antonin. »

Sur les deux autres faces, deux autres inscriptions se répondent : le vote sous l’administration de Fortuné Paradan, maire, le 13 février 1864 ; la mise en place et son inauguration sous Adolphe Blanchard le 8 octobre 1874.

Le square Antonin

Le square Antonin forme une place dont l’espace central est clos par une grille en fer forgé, du serrurier nîmois Marius Nicolas. L’aménagement de cet espace est l’œuvre de l’architecte provençal Henri Révoil.

Le square et la ferronnerie du serrurier Marius Nicolas (©photo F.Cabane)

Auguste Bosc, sculpteur

Il est né le 26 mars 1827 à Nîmes, rue des Lombards. Il est mort le 8 décembre 1879 dans la même ville. Dès son plus jeune âge, il dessinait. Son père était boucher et, grâce à deux amis de ses parents, il entre à l’école municipale de dessin de la ville dont le directeur était Numa Boucoiran. Très vite, il est remarqué et remporte des prix durant sa scolarité. La chance lui sourit le jour où James Pradier, le sculpteur de la fontaine qui porte son nom, la Fontaine Pradier voit un exemple de son travail. Le maître le recommande à des membres du conseil général du Gard qui, en août 1850, lui attribuent une pension pour poursuivre ses études à Paris. Auguste Bosc a 23 ans quand il entre dans l’atelier de James Pradier qui était alors professeur de sculpture à l’École des Beaux-arts de Paris. Malheureusement, Pradier meurt deux ans après, en juin 1852, ce qui prive le jeune étudiant du soutien d’un maître et de ses relations dans le milieu artistique. Il revient à Nîmes en 1855.

Il travaille à la réalisation de nombreux bustes et médaillons des personnalités locales, obtient des récompenses, participe à différents chantiers de décoration des églises de Nîmes dont l’église Sainte-Perpétue et Sainte-Félicité, ainsi que les églises Saint-Baudile, Saint-Paul et les Jardins de la Fontaine. Fortement influencé par l’enseignement de son professeur James Pradier, le jeune sculpteur, Auguste Bosc, a un goût pour les proportions, la qualité de la ligne, la perfection de la musculation en une résonance appuyée du style antique. Dans certains de ses portraits (buste de Monsieur Vidale, maire, buste du colonel Blachier), il quitte l’influence antiquisante pour traduire davantage le naturalisme : mouvement de tête, ressemblance d’un visage.

En 1874, il devient le directeur de l’école municipale de Nîmes, suite au décès du précédent directeur, et entre à l’Académie du Gard qui est l’actuelle Académie de Nîmes.

Auguste Bosc meurt en 1879 et est enterré au cimetière protestant de Nîmes.
Une rue de Nîmes porte son nom.

Monument funéraire d’Auguste Bosc au cimetière protestant (©photo F.Cabane) Statue en bronze d’Henri Revoil inaugurée dans les jardins de la Fontaine inaugurée en 1906 et fondue en 1942 (©carte postale collection particulière)

Henri Révoil, architecte ayant dessiné le square Antonin

Portrait dessiné d’Henri Révoil, dessin Wikipédia

Henri Révoil est né le 19 juin 1822 à Aix-en-Provence. Il meurt le 20 mars 1900 à Mouriès. Fils du peintre Pierre Révoil, il fait ses études aux Beaux-arts de Paris jusqu’en 1842. En 1849, il revient dans le Sud de la France et devient architecte en chef des monuments historiques.

En 1852, il est nommé architecte diocésain. À ce titre, il est l’auteur de nombreux édifices de style néo-médiéval dans le midi méditerranéen de la France, travaille sur de multiples chantiers tout en procédant à la restauration de monuments antiques. Travailleur acharné à l’activité débordante, il réalise parallèlement des milliers de dessins. D’un style éclectique, il est nourri par le style roman et gothique qu’il réinterprète en une unité de style, le sien, fait d’élégance et d’esthétique.

Nommé chevalier de la légion d’honneur le 8 décembre 1865, il est officier en 1878 et commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire le Grand le 23 février 1883.

Hélène Deronne
Juin 2022.

Bibliographie

Salles, Jules, Notice sur Auguste Bosc, Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1880
Nemausensis.com
Portrait dessiné d’Henri Revoil, Wikipédia consulté le 22 juin 2022.

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