L’hôtel de Paris

3, boulevard Talabot

L’hôtel de Paris dans les années 2000 et en cours de réhabilitation en 2021

Un peu d’histoire

L’histoire de l’hôtel de Paris est directement liée à la construction de la gare de Nîmes en 1844, évènement majeur dans l’histoire nîmoise du XIXe siècle . Cette gare, installée au sud de la ville sur la ligne Nîmes-Montpellier, est le deuxième « embarcadère » après celui construit par Paulin Talabot en 1839 route d’Uzès.  Son implantation entraîne la construction de l’avenue Feuchères et l’urbanisation de tout le secteur situé au sud de l’Esplanade. Qui dit gare, dit hôtels de voyageurs. Ceux-ci apparaissent très tôt, dès l’ouverture de la ligne, plutôt sur le côté est de l’avenue Feuchères et du « boulevard du viaduc », devenu aujourd’hui boulevard Talabot.

Le plan cadastral napoléonien de 1829 montre qu’à l’emplacement de l’hôtel de Paris s’étendaient alors des champs et des terrains agricoles. La présence d’une toponymie rurale dans ce quartier, rue Monjardin, rue de la Luzerne (actuelle rue Pradier), rue de la Servie (« servar » en occitan désigne une réserve d’eau pour actionner un moulin), rappelle cette vocation agricole ancienne. La rivière issue de la source, le Vistre de la Fontaine, aujourd’hui canalisée sous l’avenue Carnot, permettait d’irriguer les cultures.

La parcelle sur laquelle se construit l’immeuble de l’hôtel de Paris est un grand jardin potager de plus d’un hectare qui appartient à un certain Joseph Marcon. Celui-ci est acheté en 1838 par un notable du nom de Joseph Vigne qui, voulant réaliser une fructueuse opération immobilière, la lotit puis la revend d’une part à la Compagnie du chemin de fer pour construire le viaduc et l’avenue qui longe celui-ci et d’autre part à différents propriétaires.

Gare de Nîmes L.Dollard (©collection Antoine Bruguerolle)

De l’immeuble de rapport au « Café Glacier » et à « l’hôtel de Paris »

Dans les années 1840, Joseph Vigne vend un lot de 780 m2 à Jules Puech-Rolland qui y fait construire un pavillon de plaisance puis, peu après l’inauguration de la gare en 1844, un autre immeuble beaucoup plus grand, sans que nous sachions ce qu’est devenu le petit pavillon initialement construit (peut-être détruit ou englobé dans la nouvelle construction ?).

Un nouveau propriétaire, Isidore Watton, libraire nîmois installé rue des Lombards, achète en 1882 et engage des agrandissements dans la pointe triangulaire de la parcelle et d’importantes transformations modifiant l’aspect de la façade sur le boulevard du viaduc.

Parcelle triangulaire et les trois campagnes de travaux successives (©C.Potay)

A la fin du XIXe siècle, les annuaires du Gard signalent la présence d’un « Café Glacier » dirigé par Régis Brun mais aussi d’un « Buffet économique en face de la gare des voyageurs » dont il est possible qu’il ait été situé à cette adresse. Le Café Glacier et peut-être le buffet de la gare cohabitent avec des logements puisque le recensement de 1886 dénombre de nombreux locataires. Au début du XXe siècle, l’immeuble apparaît référencé dans la rubrique des « hôtels » et, même s’il conserve des logements dans la partie supérieure, les étages au-dessus du café sont transformés en chambres pour voyageurs. L’établissement garde ses fonctions de café et hôtel tout au long du XXe siècle. Les propriétaires, qui se sont beaucoup succédé (parmi eux, on peut citer Marcel Boyer, Gaston Bompard, Albert Tchiprout), confient la gestion du café à des limonadiers et celle de l’hôtel à des hôteliers. Les gérants et employés des lieux ainsi que deux « concierges » de l’immeuble étaient logés sur place dans les appartements des derniers étages.

La famille Frézal-Rascalon est alors très impliquée dans l’hôtellerie nîmoise, tenant l’hôtel des Arts au n°21 de l’avenue Feuchères et le café de la garnison au n°87 du boulevard Gambetta. En 1899, l’hôtel des Arts déplace son enseigne au n°3 du boulevard Talabot avec une entrée au n°31 de la rue de la Servie puis prend le nom au début du XXe siècle d’« Hôtel Glacier » avant de devenir en 1931 l’« Hôtel de Paris », complètement rénové en 1936 « avec tout le confort moderne » comme le précisent les publicités.

Publicités Café Glacier et Hôtel de Paris (©C. Potay- Archives municipales)

L’hôtel est encore signalé comme ouvert à la fin des années 1970 mais les nouvelles réglementations hôtelières, surtout en matière de sécurité, ont sans doute été à l’origine de sa fermeture tandis que le café au rez-de-chaussée continue à fonctionner jusque dans les années 2000.

Squatté pendant 30 ans, l’hôtel de Paris vient d’être réhabilité. La Société d’Aménagement du Territoire (SAT), créée en 1986 pour intervenir sur le territoire de Nîmes Métropole est devenue propriétaire et a engagé en 2020 une profonde restauration afin de transformer les lieux en auberge de jeunesse. Les travaux ont préservé les cinq niveaux de la façade et les trois murs en triangle. Tout l’intérieur a été détruit pour repenser les nouveaux espaces, à l’exception du vieil escalier qui desservait les étages et a été préservé. L’auberge de jeunesse proposera 80 lits répartis dans des chambres de 6 lits avec deux salles de bain et des chambres de deux lits avec salle de bain. L’entrée, avec un coin accueil, détente et un coin bar ouvre sur le boulevard Talabot et est reliée aux étages des chambres par un ascenseur qui monte jusqu’à une terrasse sommitale.

Chantier 2020 : l’intérieur évidé pendant les travaux, le vieil escalier (© photos FC et G.Boehm)

Les façades

Le bâtiment a une forme triangulaire qui s’explique par l’existence d’une rue, aujourd’hui disparue, qui a délimité la forme de la parcelle. Il possède donc trois façades dont une aveugle côté est, une qui ouvre à l’ouest sur la rue de la Servie et la façade principale qui donne sur le boulevard Talabot.

Façade principale sur le boulevard Talabot (© photo FC)

La façade principale sur l’avenue Talabot est assez haute avec 3 étages sur rez-de chaussée comportant chaque fois cinq travées parfaitement symétriques.
Le rez-de-chaussée présente une succession de cinq hautes arcades, rappelant celles du viaduc situé juste en face de l’immeuble ; chacune d’elles est percée d’une porte et d’une petite fenêtre à l’entresol. On remarque que les baies d’entresol ont été agrandies en hauteur entraînant la découpe des moulures sur l’archivolte et sur l’appui.
Soulignées de fines moulures et décorées d’une agrafe de pierre, les arcades rythment avec beaucoup d’élégance la façade du boulevard Talabot.

Ouvertures de l’entresol, consoles du balcon, entablement du 2ème étage (©photos G.Boehm et FC)

Un balcon muni d’un garde-corps en fer forgé court tout le long de la façade en appui du premier étage et repose sur six paires de consoles en pierre. A ce niveau, les baies sont surmontées d’un entablement mouluré sur consoles et au 2ème étage, une corniche sur modillons vient couronner l’immeuble, ce qui donne à l’ensemble un bel ordonnancement néo-classique dans un style sobre et élégant.
Le dernier étage en retrait de la façade a sans doute été rajouté lors d’une campagne de travaux postérieure à la construction initiale. La pierre de Beaucaire qui vient d’être nettoyée est d’une blancheur éclatante et présente un grain d’une belle finesse qui accroche la lumière.
Corinne Potay nous dit : « la façade en pierre de taille aux joints très fins est dans un style néo classicisant assez typiquement nîmois … et s’inscrit dans une série de réalisations dont nous trouvons des exemples en bien des points de la ville, rue Auguste, boulevard Alphonse Daudet, angle du boulevard Victor Hugo et de la rue de la Madeleine… »

La façade de la rue de la Servie où s’est trouvée pendant longtemps l’entrée de l’hôtel montre des éléments de décors peu nombreux et sobres. Quatre niveaux présentent un grand nombre d’ouvertures ; on compte deux portes et deux fenêtres en rez-de-chaussée et à chaque étage, 4 grandes baies et une petite fenêtre qui éclairait la pièce de taille réduite située dans l’angle étroit du fond de la bâtisse. Aux étages, les fenêtres sont munies de garde-corps en fonte et ont des encadrements de pierre. Le cordon mouluré de l’étage noble de la façade principale, maintenu sur l’angle arrondi, disparaît sur la façade de la rue de la Servie tandis que la corniche sur modillon du dernier étage se poursuit sur ce côté ouest.

Façade est aveugle, angle Talabot rue de la Servie et façade ouest rue de la Servie (©photos G.Boehm et FC)

Un panorama exceptionnel du haut de la terrasse

La terrasse avec la vue sur les toits de Nîmes et la gare (© photo FC et G.Boehm)

La rénovation de ce bel immeuble a permis la création en toiture d’une terrasse qui sera accessible aux clients de l’auberge de jeunesse mais aussi aux visiteurs qui souhaiteront admirer le panorama sur les toits de Nîmes avec une vue exceptionnelle sur la gare et le boulevard Sergent Triaire.

Francine Cabane, avril 2021

Sources :

  • POTAY, Corinne, N°3 boulevard Talabot N°31 rue de la Servie, ancien hôtel de Paris, Archives municipales, février 2020
  • BOEHM Goeffrey, entretien avec le gérant de l’hôtel Vertigo, mars 2020
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