TAUREAU

ESPLANADE

Taureau de Djoti Bjalava sur l’Esplanade (©photo M.Giacomoni)

Un peu d’histoire

À quelques mètres de la statue de Nimeño II, se trouve la statue intitulée Taureau à l’angle de l’Esplanade, face à la Banque de France et orientée vers les arènes.

C’est la municipalité de Jean-Paul Fournier qui a souhaité investir dans une statue de cet animal de combat, symbolisant l’attachement de la ville de Nîmes à la tauromachie. L’installation  de cette sculpture, sa proximité avec les arènes et son orientation signent la fin des travaux du projet d’aménagement urbain AEF (Arènes, Esplanade, Feuchères) lancé en 2001.

« Cette réalisation a fait de Feuchères une entrée royale vers la ville et un véritable trait d’union entre le cœur historique, la gare et les quartiers périphériques », précisait Monsieur le Maire le jour de l’inauguration, le 13 septembre 2018.

Le taureau : quelques éléments d’histoire et d’histoire de l’art

Il n’est pas question d’écrire ici l’histoire du taureau et de son expression artistique. La bibliographie est importante sur ce sujet. Simplement, il est bon de rappeler que, dès la Préhistoire, la figure de cet animal apparaît sur les murs des grottes de Lascaux, Altamira, Chauvet… Ces animaux que les hommes chassaient pour se nourrir, ours, bisons, chevaux et taureaux, étaient plus grands qu’eux, dangereux, porteurs selon leurs croyances, de puissances supérieures. Le culte du taureau apparaît et se déploie dans le monde méditerranéen, de la Mésopotamie à l’Espagne, de la Crète à l’Empire romain et ses colonies. En Crète minoenne (2700-1200 av.J.C.) une étape décisive est franchie avec la naissance du «saut du taureau». Les acrobates qui osent affronter la charge de l’animal exécutent une sorte de cabriole appuyant leurs deux mains sur les cornes de l’animal, croyant que force et fertilité sont concentrées dans ses cornes.

Le mithraïsme se développe probablement à partir de la seconde moitié du 1er siècle de notre ère. Le contenu du mithraïsme et ses valeurs sont peu connus car ce n’est pas une religion écrite à l’instar du christianisme qui se développait alors. Les témoignages peints et sculptés racontent et nous font comprendre que le Dieu Mithra, d’origine indo-iranienne, après avoir chassé le taureau, l’a rattrapé et tué. Le sacrifice du taureau serait à l’origine de la vie, le sang de l’animal fertilisant la terre. La scène la plus souvent représentée est celle où Mithra enfonce son glaive dans le cœur du taureau sur l’ordre du Soleil.

Saut au-dessus du taureau, ivoire, Musée d’Héraklion, Crète, Google images, 3 mars 2022.
Le sacrifice du taureau, relief II-IIIe siècle, Musée du Louvre, Paris, Wikipédia, 3 mars 2022.

Ces deux épisodes, la danse de l’acrobate de la Crète minoenne et la mort du taureau par Mithra, annoncent deux moments essentiels de la corrida, la pause des banderilles et la mise à mort. Le culte du taureau et les scènes de corrida entre l’homme et la bête, font appel à des connaissances historiques qui ne sont que très rapidement évoquées ici.

La statue « Taureau »

Le sculpteur Djoti Bjalava, a représenté l’animal de combat, en espagnol « toro de lidia » ou « toro bravo »  qui est de race bovine espagnol, principalement élevé pour les spectacles de tauromachie, comme la corrida. Il vit dans les régions du sud de l’Espagne (Andalousie, Estrémadure ou dans la région de Salamanque). Il est représenté, ici, d’une manière statique, pattes écartées bien ancrées sur le sol. Il est puissant, massif. L’évocation de cette force se poursuit dans l’attitude de son garrot, la position de sa tête et de ses cornes. Bien sûr l’artiste a pris quelques libertés avec la réalité physique de la bête. Il a travaillé par plans  géométriques : géométrisation du corps avec un arrière-train plus bas que la partie supérieure. Le garrot est haut, comme dans la réalité, la tête est baissée dans une attitude de charge. Les cornes sont pointées vers un matador imaginaire. La robe de ces taureaux de combat est généralement noire ou brun noir, mais différentes couleurs existent, gris, châtaigne…

Le sculpteur géorgien, Djoti Bjalava, est un artiste contemporain pétri, nous pouvons le penser, des recherches de ses prédécesseurs. Géométriser la forme provient de l’influence du cubisme, mouvement artistique du début du XXe siècle. Les artistes, suivant leurs sensibilités, ont repris cette écriture. Dans une morphologie à dominante de courbes, l’artiste a voulu jouer en une réduction de facettes, formant de longs rectangles, des triangles : ainsi la forme géométrique donnée entre les cornes et la pointe du museau est un triangle.

L’animal a été taillé dans un bloc de calcaire blanc de 25 tonnes extrait d’une carrière de Croatie. Après le travail du maillet et du ciseau, la sculpture pèse 13 tonnes. Quand elle est terminée, le sculpteur lui applique une patine sombre qui se rapproche de la robe noire du taureau.

Taureau de Djoti Bjalava sur l’Esplanade (©photo M.Giacomoni)

Que serait ce taureau dans l’arène s’il s’échappait de sa chape de pierre ? Brave sans doute, une qualité fondamentale. Il s’agit de la promptitude de la charge à la moindre sollicitation quelque soit l’adversaire, picador ou torero à pied. Il doit être noble, c’est-à-dire, qu’il doit charger en ligne droite, aller directement à l’adversaire. On attend de lui qu’il soit de caste, c’est à dire qu’il doit faire partie d’une race sélectionnée pour le combat et qu’il soit suave, franc au moindre mouvement du matador, sans coups de tête désordonnés, en suivant le jeu du toréro qui a quinze minutes pour le dominer et le mettre à mort. Si ce taureau a toutes les qualités, il peut être gracié, par la volonté de la présidence ou du matador. Soigné sur place, il repartira dans son élevage où il pourra transmettre son courage à sa descendance.

Djoti Bjalava, le sculpteur

Né le 22 novembre 1944 à Martvili en Géorgie, il va à Moscou faire des études d’art. Revenu quelques années après dans son pays natal, il entre à l’Académie des Beaux-Arts de Tbilissi où il reste dix ans. Jusqu’à son arrivée en France en 1991, il répond à des commandes de l’église orthodoxe de Géorgie, expose à Moscou, à Saint-Pétersbourg, en Inde, en Europe. Depuis trente ans, il vit dans l’Aude où les carrières du Lauragais lui offrent la matière première. « Je suis à la recherche de nouvelles expressions dans mon art » écrit-il. Restons attentifs à son travail…

Hélène Deronne
Mars 2022.

Bibliographie

BENNASSAR Bartolomé, Histoire de la tauromachie : une société du spectacle, Paris, Desjonqueres, 1993, 212 p.

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