L’église Sainte-Perpétue Sainte-Félicité

La façade de l’église Ste Perpétue (©FC)
La façade (© dessin Joseph Felon, Eglise Sainte Perpétue, Nîmes, Paris, 1861)

Un peu d’histoire

Au IX siècle s’élevait une petite église rurale dédiée à Sainte-Perpétue. Elle se situait hors des remparts antiques vers la route de Beaucaire dans le quartier des Amoureux. Perpétue était une jeune noble des environs de Carthage. Jeune mariée, elle venait de mettre au monde son enfant. Elle fut sans doute dénoncée en tant que catéchumène. Félicité, sa servante, accoucha en prison. Ne voulant ni l’une ni l’autre abjurer leur foi, elles furent jetées dans l’amphithéâtre de Carthage. Leurs morts eurent lieu en 203. Elles furent parmi les premiers martyres chrétiens de l’Afrique romaine.

Au XIIe siècle, des Templiers élevèrent près de l’emplacement de l’église actuelle, l’église Notre-Dame du Temple qui fut détruite en 1502.

Après la « paix d’Alais » en 1629, Louis XIII installe à Nîmes les capucins qui construisirent un couvent en 1651 et une église en 1663.

L’église et le couvent des capucins sur l’emplacement de l’église Ste Perpétue actuelle (©Adolphe Peyre, Histoire de Nîmes, 1887)

La Révolution enflamme la haine contre les religieux. Les capucins s’enfuient sauf cinq religieux et deux jeunes gens qui sont tués. Les bâtiments sont saccagés lors de la Bagarre de Nîmes qui du 13 au 15 juin 1790 fait plus de 300 morts dans la ville.

Une nouvelle église est alors construite au début du XIXe siècle, mais celle que nous voyons aujourd’hui, dédiée à Sainte Perpétue et à Sainte Félicité, fut construite de 1852 à 1864 sur les plans de l’architecte Léon Feuchère. À la mort de l’architecte, le chantier est repris par Antoine Monsimier, puis Monsieur Libourel jusqu’à son achèvement en 1864.
La première pierre fut posée le 1er octobre 1852 au passage du Prince-Président de la République. Le 2 février 1864, Mgr Plantier bénit la nouvelle église qui est consacrée le 8 juin suivant par Mgr Dubreuil, archevêque d’Avignon.

L’architecte : Léon Feuchère

Léon Feuchère est un architecte parisien qu’il ne faut pas confondre avec le baron Adrien Victor de Feuchères, généreux donateur nîmois à sa ville natale et qui a donné son nom à l’avenue où se situe la Préfecture.

Léon Feuchère, jusque-là associé à Théodore Charpentier, se fait dans les années 1840 une solide réputation dans la décoration de nombreux théâtres parisiens. On lui confie la construction des théâtres d’Avignon et de Toulon. Des problèmes de santé l’incitent à s’installer à Nîmes en 1849 où il ouvre un cabinet place des Arènes et devient architecte du département du Gard. Il travaille sur de nombreux chantiers : l’église Sainte-Perpétue et Sainte-Félicité sur l’Esplanade, mais aussi les hôtels Silhol et Picheral sur l’avenue Feuchères, l’hôtel Brouzet place Questel, l’hôtel Arnaud rue Clérisseau, l’hôtel Meynes sur les quais de la Fontaine et surtout le très bel hôtel de la Préfecture*. Il décède en 1857 sans voir la fin de plusieurs de ses chantiers dont celui de l’église Sainte-Perpétue.

Description extérieure de l’église

La composition de son architecture de style éclectique, caractéristique du style Napoléon III, est d’une belle facture.

Sa superficie au sol est de 1050 m2. Si les côtés sont peu visibles car enchâssés dans les bâtiments qui la jouxtent, l’avant corps surmonté d’un clocher en est la décoration essentielle. Par le parvis rehaussé de cinq marches, nous accédons au porche central de forme ogivale flanqué, jusqu’à la hauteur du pignon, de deux corps de bâtiments venant l’épauler. En avant des piédroits du porche, se détachent deux colonnes de marbre noir ornées de chapiteaux sculptés qui supportent un entablement qui court sur toute la façade de ce porche et sur lequel vient s’appuyer la retombée d’une large archivolte.

Le linteau du portail principal est surmonté d’un tympan représentant Marie, la mère du Christ, offrant son fils à l’adoration des anges. Dans le fond un galbe, orné d’arabesques et de crochets, surmonte le tympan. Vers le haut de la tour carrée qui supporte le clocher, une corniche saillante orne et contourne la partie supérieure de la façade.

Au dessus de la voute brisée couvrant le porche, une niche à ogive trilobée accueille la statue du Christ qui de sa main droite montre le ciel et de la main gauche montre à ses pieds, le calice de la Rédemption. De part et d’autre de l’arc ogival, sur la gauche, la sculpture de sainte Perpétue et sur la droite celle de sainte Félicité, toutes deux tenant la palme du martyr. Joseph Félon (1818-1897) est le sculpteur de ces statues.

Statues de Joseph Felon : sainte Perpétue à gauche, le Christ et sainte Félicité à droite (©FC)

La tour carrée supporte le clocher de forme quadrangulaire, flanqué de colonnettes à pinacles dans les angles. Il se détache au-dessus du pignon avec ses deux étages à baies ogivales couronnés de frontons. La flèche octogonale en pierre de 70 mètres de hauteur, ornée de crochets, couronnée par un large fleuron aux feuilles épanouies d’où s’élance une grande croix en fer de 8 mètres de hauteur dont 5 mètres dans l’œuvre.

En retrait par rapport au porche central, les deux portes latérales sont ornées chacune d’un tympan en bas-relief, représentant sur celui de gauche les évangélistes, saint Mathieu et saint Jean, sur celui de droite, saint Luc et saint Marc. Au-dessus de chaque tympan et d’une fenêtre ogivale géminée inscrite dans un galbe couronné par un acrotère se dressent les statues en marbre de deux anges réalisés par le sculpteur nîmois Auguste Bosc (1827-1879). Deux tourelles octogonales encadrent de part et d’autre cette façade et la termine.

Sur la façade arrière, le chevet se compose d’un mur semi-circulaire percé de trois fenestrons gothiques polylobés. Deux petites tourelles rondes surmontées d’une flèche fleuronnée encadrent ce chevet.

Le sculpteur : Joseph Félon (1818 Bordeaux- 1897 Antibes Juan-les-Pins).

Joseph Félon est un peintre verrier, lithographe, sculpteur et céramiste français. En tant que sculpteur, c’est cet art qui nous intéresse ici, il participe au Salon des Artistes français pour la première fois en 1841. En 1861, il remporte une médaille de troisième classe, en 1863 un rappel de médaille. Il a eu de nombreuse commandes à Paris pour les églises de Saint-Étienne-du-Mont, de Sainte-Elisabeth, pour l’Hôtel de Ville de Paris, le palais du Trocadéro, également pour le palais du Louvre (pavillon Richelieu) et bien sûr à Nîmes, pour l’église Sainte-Perpétue et Sainte-Félicité et pour la préfecture de Nîmes.

L’intérieur

L’église est longue de 41 m et large de 22 m. Elle est constituée d’une nef centrale large de 9 m 30 et deux bas-côtés divisés en six travées. Le chœur est formé de deux petites travées et du sanctuaire. Ce dernier occupe le fond de l’abside en hémicycle. Il n’y a pas de transept.

Nef de 1200 places et chaire de Hoën Bernard (©MG)

De chaque côté du chœur, une absidiole avec chapelle ajourée par le haut. Dans la chapelle de droite une statue de La Vierge à l’Enfant du XVIIe siècle, en marbre, domine l’autel du Saint Sacrement. De l’autre côté, se situe la sacristie. Les arcs doubleaux scandent la nef. Ils sont de forme ogivale. Chacune de ces arcades est surmontée par un faisceau de quatre colonnettes très sveltes avec chapiteaux ornés d’arabesques. Le maître-autel est en marbre de Carrare. La verrière et les vitraux de la nef ont été réalisés par la Maison Martin d’Avignon, les grandes orgues sont signées Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899). Elles ont été classées monument historique en 1977. Le sculpteur Joseph Félon a dessiné les cartons des dix-huit tableaux qui décorent le chevet, inscrits chacun dans une ogive trilobée. La chaire à prêcher est l’œuvre de Hoën Bernard.

Plan de l’église Ste Perpétue (© dessin Joseph Felon, Église Sainte Perpétue. Nîmes, Paris, 1861)
Vierge à l’Enfant, chapelle du saint Sacrement (©FC)

Dans la chapelle dédiée aux âmes du Purgatoire, une inscription gravée sur une plaque de marbre noire relate la translation des ossements des capucins qui, en juin 1790, ont été massacrés par des émeutiers protestants lors de la « Bagarre de Nîmes ».

Cet intérieur néo-gothique éclectique avec sa verticalité vigoureuse exprime l’élévation de la foi en Dieu et donne une impression d’élégance et d’harmonie.

Sainte Perpétue et Sainte Félicité, martyres chrétiennes en Afrique romaine (©http://hodiemecum.hautetfort.com/archive)


Hélène Deronne, mai 2020

Bibliographie :
Mathon, Georges, Église Sainte Perpétue, http://www.nemausensis.com/Nimes/
Bampély, M. (2020, 12 mai) Perpétue et Félicité, martyres chrétiennes en Afrique romaine, Libération consulté sur http://humeursnoires.blogs.liberation.fr/2020/05/12/maryres-cherteinnes-en-afrique-romaine

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