18 AVENUE FEUCHERES/BD SERGENT TRIAIRE
Un peu d’histoire
Le café des Fleurs, lieu historique et emblématique de la ville, construit entre 1850 et 1875, fait partie du paysage de la gare de Nîmes.
En sortant de la gare, au coin de l’avenue Feuchères et du boulevard Sergent Triaire, on peut admirer une belle bâtisse connue de tous les Nîmois sous le nom de « Café des Fleurs ». Pressés d’y déguster des boissons rafraîchissantes ou réconfortantes selon les saisons, nous oublions parfois d’admirer sa belle architecture qui a évolué de 1850, date du premier bâtiment, à 1875 où de gros travaux lui ont donné son aspect actuel.
Vers les années 1830, ce quartier, encore agricole et voué aux cultures maraîchères et fruitières, se caractérise par la présence de nombreux jardins et d’une guinguette. C’est un endroit fort agréable où les Nîmois aiment à se promener le dimanche.
La parcelle où est édifié le café des Fleurs appartenait à l’origine à un négociant domicilié à Gap qui possédait à cet endroit une maison et un jardin potager d’un hectare. Les héritiers, profitant de l’urbanisation du quartier liée à la construction de la gare inaugurée en 1844, démembrent cette grande parcelle en plusieurs lots vendus d’une part à la mairie pour réaliser l’avenue Feuchères et d’autre part à des particuliers désirant réaliser ici des immeubles de rapport.
Vers 1850, Aimé Périllier, un marchand chapelier aisé, installé sur la place de l’hôtel de Ville, achète un lot et fait construire un immeuble de rapport qui, dès l’origine, est mentionné comme abritant un débit de boisson appelé « Café des Fleurs ».
Un héritier, du nom de Jules Castor Périllier, qualifié de « rentier de l’immobilier », semble avoir fait réaliser, dans les années 1864-1875, de gros travaux qui correspondent au bâti actuel.
A partir de 1883, l’immeuble passe entre les mains de Jules Jalabert puis en 1892, d’Alfred Silhol, industriel de Bessèges et sénateur, propriétaire à cette époque du bel hôtel particulier mitoyen, situé au n°16 de l’avenue Feuchères. Alfred Silhol conserve l’immeuble pendant plus de 20 ans puis le revend au limonadier Georges Raphaël Jalabert qui tient le Café des Fleurs pendant que sa mère anime un petit kiosque de buvette et restauration, installé juste en face sur le terre-plein central de l’avenue.
Au XXe siècle, se sont succédé plusieurs propriétaires qui étaient toujours les cafetiers gérants du café des Fleurs ; ils y résidaient et y logeaient parfois certains des employés du café.
L’édifice
Le café des Fleurs est un très bel immeuble dont on ne connaît pas l’architecte. Il présente des caractéristiques classiques mais aussi des originalités architecturales.
L’immeuble est imposant avec ses trois niveaux, couronnés au XIXe siècle par d’élégants balustres de pierre qui cernaient la toiture et sont aujourd’hui remplacés par des murets en béton.
Il est difficile d’attribuer cette construction à l’un ou l’autre des très nombreux architectes de qualité qui travaillent dans les années 1870 sur la ville. On peut citer Henri Révoil, dont l’agence et le domicile se trouvaient tout près au 14 de la rue Bernard Aton, Jules Libourel, Gustave Granon, architectes nîmois installés également dans ce quartier, ou encore Lucien Feuchère, fils de Léon Feuchère architecte de la Préfecture, qui dirige avec Alfred Randon de Grolier entre 1881 et 1887 les travaux pour l’aménagement du lycée Daudet.
Construit pour servir d’immeuble de rapport, le café des Fleurs est parmi les édifices les plus originaux de l’avenue Feuchères en raison de ses portiques antiquisants qui le rattachent à la tradition académique inspirée de l’école des Beaux-Arts. C’est un bâtiment cependant très éclectique comme en témoigne le grand oculus de la partie sommitale aux ornements végétaux d’esprit plutôt Louis XV.
Les façades
Les deux façades, celle sur l’avenue Feuchères et celle sur le boulevard Sergent Triaire, sont assez différentes mais présentent toutes deux des éléments remarquables.
La façade donnant sur l’avenue Feuchères s’organise en 7 travées placées dans une parfaite symétrie par rapport à l’axe central. Celui-ci, légèrement en saillie, est doté à chaque étage d’une loggia et porte des éléments de décor très nombreux : balustres, fronton triangulaire, colonnes à chapiteaux composites… Les angles de la bâtisse sont soulignés par des beaux chaînages à refends et chaque niveau est marqué par une corniche moulurée très soignée.
Les fenêtres des travées latérales sont en plein cintre et s’inscrivent au 1er étage dans des encadrements rectangulaires moulurés, soulignés de larmiers tandis qu’au 2ème étage, elles sont simplement surmontées d’un dé en pierre. Le rez-de-chaussée, remanié au fil des siècles par l’activité du café-brasserie, se caractérise par un portique de colonnes et de pilastres d’ordre composite.
Dans la travée centrale, les loggias situées au premier et second étage sont accessibles depuis l’intérieur par une grande baie en plein cintre flanquée de deux fenêtres rectangulaires hautes et étroites dans un dessin évoquant une serlienne. La loggia du premier étage est surmontée d’un fronton triangulaire soutenu par deux colonnes cannelées à chapiteaux composites, elles-mêmes reposant sur un muret à balustres. Celle du second étage est coiffée d’un entablement horizontal et d’une corniche sculptée.
L’accent décoratif mis sur la travée axiale est renforcé par la présence au sommet de l’édifice d’un grand oculus surmonté d’un fronton curviligne. Cette fenêtre ronde, sertie de godrons, ornements en forme de moulures ovoïdes, est surmontée d’une agrafe ornée d’un rang de perles et de deux guirlandes de fleurs sculptées.
De part et d’autre de l’oculus, deux fenêtres rectangulaires étroites sont encadrées de pilastres rainurés d’ordre composite et d’une petite balustrade.
La façade sur le boulevard Sergent Triaire est également soignée quoique plus simple. Ici, cinq travées seulement qui affichent toutes des baies rectangulaires, surmontées d’un larmier. Le balcon filant du 1er étage et les garde-corps du second étage sont en fonte industrielle avec de beaux motifs soulignés par des guirlandes en relief. S’il y a des consoles pour soutenir le balcon, elles ne sont pas visibles car masquées par la marquise qui déborde au-dessus du rez-de-chaussée. L’accès aux appartements se fait par une porte rectangulaire, discrète, rejetée à l’extrémité gauche de la façade et ornée d’un curieux satyre débonnaire.
L’intérieur
Longtemps, le décor intérieur a rappelé ceux des brasseries parisiennes de la fin du XIXe siècle avec des boiseries, des banquettes de cuir et des peintures sombres sur les murs. Un pavillon en verre, aujourd’hui disparu et monté comme une serre dans le jardin permettait autrefois des repas fort prisés dans le « pavillon restaurant du jardin »…
Francine Cabane (avril 2020)
Bibliographie :
Potay, C., Maison Périllier et café des fleurs, Archives municipales, 2016