La Maison Ginestous Libourel

15 avenue Feuchères

Façade du n°15 avenue Feuchères (©photo F.Cabane)

Un peu d’histoire

Cette belle construction du milieu du XIXe siècle, implantée près de la gare, se situe côté impair de l’avenue Feuchères. Son histoire s’inscrit dans le contexte du mouvement d’urbanisation et d’architecture qui accompagne dans les années 1840 l’implantation d’une nouvelle gare à Nîmes.

Avant que celle-ci ne soit construite, s’étendaient ici, selon le cadastre de 1830, des champs, des vergers et de nombreux « jardins potagers » avec de petits bâtiments agricoles dispersés. La zone avait même été interdite aux constructions nouvelles pour permettre à « l’air marin » d’aérer cette partie de la ville où de nombreux Nîmois venaient se promener.

En 1844, lorsque les ingénieurs Paulin Talabot et Charles Didion proposent d’implanter dans ce quartier la ligne de chemin de fer Nîmes- Montpellier et la nouvelle gare, la municipalité souhaite contrôler l’urbanisation en créant une large avenue, l’avenue Feuchères, assortie d’un règlement d’urbanisme contraignant qui fixe des règles strictes pour les immeubles qui la borderont. En 1842, le règlement édicté sous la municipalité de Ferdinand Girard stipule que :

  • 1° Les propriétaires ou entrepreneurs qui élèveront des constructions sur l’avenue du chemin de fer de Montpellier, seront tenus de donner à leurs maisons au moins un premier étage, en conservant une distance de quatre mètres au moins entre le pavé du rez-de-chaussée et le pavé du premier étage.
  • 2° les propriétaires qui élèveront leurs maisons en arrière de l’alignement, seront tenus d’établir sur ledit alignement une grille en fer.
  • 3° tous les propriétaires, sans distinction, qui construiront sur la dite avenue, seront tenus, préalablement à toute exécution, de soumettre leur plan à l’approbation du conseil municipal ».
Gare de Nîmes L.Dollard (©collection Antoine Bruguerolle)

La construction de la maison

La parcelle sur laquelle a été construite cette maison est petite. Elle présente, comme sa voisine et de manière assez surprenante, une forme trapézoïdale alors qu’elle fut découpée dans une zone de grands jardins qui appartenaient à un chapelier nîmois, Jean-Baptiste Reynaud. Ce dernier profite de la création de l‘avenue pour vendre deux parcelles contiguës où seront édifiées les maisons n°15 et 17.

Parcelle du N°15 (©Plan dossier Corine Potay Archives municipales)

Les deux terrains sont achetés en 1844 par Jean et Claude Ginestous, père et fils, entrepreneurs bien connus sur la place de Nîmes qui construisent des immeubles et les revendent ensuite afin de réaliser une plus-value immobilière.
La maison n°15 qui nous intéresse a été acquise en 1870 par Jules Libourel, ancien architecte de la Ville qui, suite aux décès de Léon Feuchère en 1857 puis de son adjoint Monsimier, a terminé les chantiers de la Préfecture et de l’église Sainte-Perpétue. Il est fort possible que ce soit Jules Libourel lui-même qui ait dessiné les plans de cette belle et grande maison mais nous n’en avons pas la certitude.

La façade sur l’avenue Feuchères

L’immeuble est imposant avec quatre travées au rez-de-chaussée qui se développent en hauteur sur trois étages. La symétrie est soulignée par un traitement différent des deux travées médianes, mises en valeur par un léger avant-corps et un grand balcon au 1er étage. Le décor abondant mais raffiné montre bien l’éclectisme de cette architecture de la deuxième moitié du XIXe siècle.

Au rez-de-chaussée, la porte d’entrée, assez imposante, est en position excentrée complètement sur la gauche. Elle est surmontée d’un arc en plein cintre avec une agrafe sculptée de feuilles d’acanthe et de grappes de raisin encadrée de deux fleurs. L’imposte est habillée d’un demi-cercle en bois qui enserre d’autres formes sphériques décorées de ferronneries à motifs géométriques. En symétrie, la fenêtre située à l’extrémité droite de la façade présente le même arc en plein cintre et la même agrafe sculptée. Les fenêtres centrales du rez-de-chaussée sont habillées d’un garde-corps en ferronnerie et présentent des linteaux très légèrement cintrés surmontés de fines volutes très élégantes.

Le premier étage concentre l’essentiel du décor sculpté et découvrir l’ensemble des éléments qui le compose prend du temps. Le balcon en pierre attire le regard ; il ne dessert que les deux portes fenêtres des travées centrales qui sont richement ornées et surmontées de mascarons à têtes d’homme et de femme. Soutenu par un jeu de cinq consoles sculptées, le balcon est ajouré de motifs géométriques encadrés par deux éléments sculptés. Sur la façade, légèrement en avant-corps, on remarque cinq pilastres cannelés ioniques au décor antiquisant.

Les guirlandes de perles et pirouettes, les denticules, les oves ne sont pas sans rappeler le décor de la Maison Carrée. Les fenêtres des travées latérales montrent des encadrements à crossettes et sont habillées de lambrequins de zinc découpés en forme de rideau.
Les corniches qui séparent les étages supérieurs sont puissantes et marquées à chaque niveau par une ligne de denticules.

Détails du premier étage, balcon, têtes de femme et d’homme, lambrequins (©photos F.Cabane)

Le 3ème étage propose un décor plus sobre présentant sur les deux travées centrales cinq pilastres aux chapiteaux composites. Les fenêtres sont plus petites mais toujours élégamment habillées de garde-corps, de lambrequins, de fines volutes et de fleurs. Le dernier étage, moins décoré, était occupé par les domestiques.

La partie centrale de la façade au 3ème étage (photo F.Cabane)

Cette façade, trop peu connue à Nîmes, est d’une grande élégance. Elle mérite qu’on s’y arrête, ne serait-ce que pour apprécier la finesse des grosses fleurs sculptées et les beaux visages masculin et féminin des mascarons du premier étage qui accueillent les voyageurs à la descente du train…

Détails de la façade (©photos F.Cabane)

Francine Cabane, septembre 2021

Sources :

  • POTAY, Corinne, 15 AVENUE FEUCHERES. Parcelle EZ 317, Archives municipales, mars 2015

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