La rue Poise s’est longtemps appelée rue du Collège puisqu’elle longeait l’ancien collège des Arts devenu collège des Jésuites ; elle s’est aussi appelée rue des Jésuites et prit le nom de Poise en 1892. Reliant la Grand-Rue au boulevard Amiral Courbet, la rue Poise s’étire, étroite et modeste…
Serait-elle à l’image des itinéraires du compositeur nîmois Ferdinand Poise né à Nîmes le 3 juin 1828 et mort à Paris le 13 mai 1892 ?
Ses premières armes, Ferdinand les acquiert dans sa ville natale où exerce son père, notaire royal sous la Restauration d’après son acte de naissance :
« L’an mil huit cent vingt-huit et le 4 juin, 2 heures après midi (…) a comparu en l’Hôtel de Ville, Maître Jean Poise, notaire royal âgé de 32 ans, domicilié à Nîmes, section 11, lequel nous a déclaré que dame Marguerite Alexandrine Periller âgée de 33 ans son épouse, est accouchée dans son domicile audit Nîmes hier à sept heures du matin d’un enfant mâle qu’il nous a présenté et auquel il a donné le prénom de Jean Alexandre Ferdinand ».
(Archives municipales de Nîmes, registre 1828, acte de naissance n° 709).
La maison natale de cette « section 11 » est probablement alignée dans cette rue Poise, ainsi rebaptisée après la disparition de l’artiste, alors que l’étude de Jean Poise était rue de la Magdeleine.
FERDINAND POISE
Le premier apprentissage musical de Ferdinand s’opère auprès d’un instrumentiste du Théâtre de Nîmes (J.-B. Bonnicard). Cette formation est fortifiée par sa fréquentation des saisons lyriques d’une richesse exemplaire puisque les créations parisiennes – d’Auber, Adam, Halévy – y sont régulièrement programmées, avant même l’implantation ferroviaire du P.L.M. en 1852. L’enracinement méridional du musicien demeurera vivace par ses attaches familiales, notamment sa sœur (Marie-Victoire-Henriette, épouse Messié) qui sera sa légataire. Bien qu’installé à Paris dès ses études générales au lycée Louis-le-Grand, les relations amicales de Ferdinand Poise demeurent fructueuses. Elles émanent soit du cercle littéraire gardois (Alphonse Daudet, Alexandre Ducros), soit de celui félibréen dont il partage les agapes dans les années 1860. En attestent ses mélodies sur des poèmes des félibres Théodore Aubanel, Anselme Mathieu, ainsi que La Vierge à la crèche, puis La Cabano sur des poèmes de Daudet. Le patrimoine gardois est également un objet d’inspiration lorsque le compositeur adapte Les Deux billets, comédie de Jean-Pierre Claris de Florian, en opéra-comique pour l’Athénée de Paris en 1870.
Enfin cet enracinement est socio-culturel lorsqu’il s’élargit à la diffusion populaire de sa cantate Nemausa dans l’amphithéâtre de Nîmes. Les autorités municipales s’adressent effectivement au compositeur pour une création contribuant au Concours régional d’orphéons (chœur masculin), à la faveur du Concours agricole du Sud-Est de la France. Parmi les propositions poétiques, notre rhapsode choisit Nemausa, poème d’Alfred de Montvaillant (Anduze), célébrant la civilisation latine de la colonie gallo-romaine et les valeurs de progrès selon la rhétorique du Second Empire. Le 24 mai 1863, la cantate Nemausa est créée dans l’amphithéâtre, emblématiquement portée par le souffle de centaines d’orphéonistes-ouvriers. Reprogrammée le soir au Théâtre de Nîmes, la cantate est à nouveau ovationnée :
« La cantate Nemausa a été exécutée de nouveau et les auteurs de la musique et des paroles, appelés et acclamés par tout l’auditoire, ont été couronnés au nom de la ville par M. le Maire, puis leur œuvre commune redemandée à grands cris a été exécutée au milieu de l’enthousiasme général »
(« Chronique locale », Courrier du Gard, 27 mai 1863)
Entre temps, la carrière du compositeur se développe dans les théâtres parisiens, ses études au Conservatoire supérieur de Paris lui ayant permis d’obtenir le second Prix de Rome en 1852 depuis la classe d’Adolphe Adam. Contemporain de Charles Gounod, de Jacques Offenbach, compagnon d’étude de Léo Delibes, sa carrière se déroule sous le Second Empire et sous la IIIe République, décennies pendant lesquelles Paris accède au rang de capitale culturelle au rythme des Expositions universelles.
Poise reçoit des commandes d’opéra-comique du Théâtre-Lyrique (Bonsoir voisin, 1853), des Bouffes-Parisiens (Le thé de Polichinelle), puis de l’Opéra-Comique : Les Absents (1864), opéra-comique mettant en scène la Provence sous la plume d’Alphonse Daudet (avant Mireille), qui sera suivi d’autres titres. Cependant c’est avec un autre registre que Poise connaît la consécration sous la IIIe République : La Surprise de l’amour (1877) d’après la comédie de Marivaux, L’Amour médecin (1880) d’après celle de Molière, qui sont adaptées en livret d’opéra par le critique littéraire Monselet, son complice.
Comme son confrère Gounod, le musicien demeure donc un esthète. Différemment de lui, Poise se consacre à l’opéra-comique, sans tenter le genre plus prestigieux de l’opéra, ni celui du ballet (comme Delibes), ni même l’enseignement, comme son confrère nîmois Jules Duprato (1827-1892).
Sabine Teulon-Lardic,
décembre 2021
Bibliographie
- Clauzel (Paul), « A propos du concours Jules Duprato, Ferdinand Poise, compositeur », Mémoires de l’Académie de Nîmes de l’année 1893.
- Teulon-Lardic (Sabine), « Ferdinand Poise, compositeur nîmois à Paris », Mémoires de l’Académie de Nîmes, 9e série, tome LXXVI, année 2001-2002, p.192-213.
- Teulon-Lardic (Sabine), « L’enracinement méridional du compositeur F. Poise », Revue de la Société d’Histoire moderne et contemporaine de Nîmes et du Gard., n° 20/ 2004, p. 14-27.